Mal tiempo, le nouveau roman de David Fauquemberg
21 août 2009.
Nullarbor nous avait tenus en haleine et éblouis. Deux ans après, David Fauquemberg qui réside dans le Cotentin, signe Mal tiempo chez Fayard.
« Il me faut être au ras des choses » dit le narrateur en prenant place auprès du ring. Cette nécessité vaut aussi pour David Fauquemberg puisque son écriture colle au réel : le narrateur, boxeur las sur le point de raccrocher les gants (« Le temps m’est passé devant. »), part à Cuba encadrer un stage. Là-bas, la boxe en amateur est un art noble, elle participe de l’identité nationale. Il rencontre Yoangel Corto, colosse mystérieux et indocile, et suit ses combats. Sa droite est renommée, son visage triste. Belle accroche pour qui modèle sa phrase sur son sujet. Premiers mots : le récit emmène d’emblée son lecteur dans la sueur d’une petite salle de quartier, débute comme une frappe. « Foutu protège dents, je ne peux plus respirer ». David Fauquemberg sait y faire : l’enchaînement syncopé et rapide de phrases courtes comme une succession de foulées nerveuses sur le ring, les groupes nominatifs sans déterminant, les allitérations qui donnent de la matière (« raclement de velcro », « des cristaux crissaient », « le ruissellement tintait autour de nous, cristallin, par intermittence »)… Il esquive les exagérations, les fioritures. Étire ses phrases pour dire la moiteur cubaine. Campe ses personnages d’une phrase : « Le cheveu coupé ras, [Sarbelio Márquez] avait le nez droit, les arcades intactes. Un ancien poids moyen, styliste à l’évidence. Porté sur l’esquive. » David Fauquemberg tient son lecteur à bonne distance comme le boxeur son adversaire. Et entre les scènes de combats, il esquisse à petites touches un Cuba de la débrouille et de la misère. L’air y est sec comme un torse musculeux. Les paysages, tour à tour désenchantés et luxuriants. Le quotidien parfois absurde, comme lorsque ce logeur, en pleine nuit soude, une séparation métallique dans son couloir : « Ils ont pondu une loi nouvelle… “ Taxation des surfaces accessibles au touriste…” À compter de ce jour, il faut une séparation nette entre les pièces familiales et la chambre qu’on loue. Sinon on paie, et je ne peux pas… »
Une certaine désespérance, la tentation de la route, un narrateur qui s’esquive et ne dit pas son nom, (seuls les surnoms que lui donnent les autres le nomment « socio », « pahtnah », « Joey ») : on retrouve un peu de Nullarbor dans ce deuxième roman. « Le ring, c’est la vérité », disent-ils à Cuba. La voix de David Fauquemberg porte la même empreinte.
Nathalie Colleville
Mal tiempo, David Fauquemberg (Fayard, 2009)
Nullarbor est paru cette année en Folio.
Droits photo : Christine Tamalet pour Fayard