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Histoire de Bulles – Jean-Blaise Djian

Histoire de Bulles - Jean-Blaise Djian

 

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Riikka Ala-Harja

23 octobre 2009.

Née en 1967, à Kangasala en Finlande, Riikka Ala-Harja est écrivain, collabore à l’écriture des scénarios des BD de Matti Hagelberg aux éditions L’Association. Elle évolue aussi dans l’art contemporain et le théâtre. Elle vit aujourd’hui en Normandie. Elle a publié plusieurs romans en France, chez Gaïa. En 2009, elle signe Le Géant chez Gaïa et Off season aux Cahiers du temps, à Cabourg.

Off season, traduit par Paula et Christian Nabais (Cahiers du temps, 2009)
En Normandie, l’été est fini et les touristes sont partis. Pas la mer qui continue de faire les cent pas sur un rivage désert. Dans les hôtels restés ouverts pour les rares clients à contre-courant, une autre forme de vacances peut commencer : celle des objets. Matelas, serviette, piscine, lampe de chevet profitent de la morte saison pour se demander qui ils sont.

Le Géant, traduit par Paula et Christian Nabais (Gaïa, 2009)

La grandeur n’est pas toujours affaire de centimètres… Taneli est grand. Tant et si grand qu’il ne se sent pas à la hauteur de son corps. Tout perdu qu’il est dans sa carcasse d’adolescent. S’engouffrer à l’arrière d’une voiture, s’habiller : tout est compliqué. Quant à draguer les filles, n’y songeons même pas. Surtout celle-ci. Mona, plus grande que lui. Pas en centimètres, juste quelques années. Mona a 24 ans et est professeure de théâtre à Kajaani, petite bourgade finlandaise sans grand intérêt. Taneli fantasme. Ses visions sont aussi démesurées que lui. Le théâtre pourquoi pas ? Pour approcher Mona mais aussi pour oublier son corps. Sur scène, Taneli découvre qu’il peut être un autre. Sortir de son enveloppe de grand échalas. Et peut-être séduire  Mona. Comme Kokko dans Tom Tom Tom, comme Ida dans Reposer sous la mer, Taneli est mal dans sa peau. C’est au cours d’un voyage à New-York en compagnie de Mona que Taneli apprendra que la grandeur n’est pas toujours affaire de centimètres ou d’années. Dans cette ville où les hamburgers sont king-size et les jeans fabricables sur mesure, tout est possible. Peut-être suffit-il juste de se déprendre du regard des siens. Mais au-delà de l’adolescence, de l’acceptation de nos différences, Le Géant interroge aussi la création et l’écriture. Mona qui ne parvient pas à écrire sa propre pièce de théâtre utilisera d’un stratagème bien inélégant pour parvenir à ses fins. Un auteur a-t-il le droit de se servir des siens ? Tout peut-il devenir fiction ? Roman d’apprentissage, écrit sans pathos et avec humour, Le Géant séduit par son honnêteté et son réalisme parfois truculent.

Nathalie Colleville

A relire : l’entretien avec Riikka Ala-Harja dans le livre/échange n°45 :

L’écriture d’un pays, l’écriture pour pays

Un nouveau roman traduit en français, un autre à paraître en Finlande, un troisième adapté au cinéma, un projet collectif en préparation avec Les Cahiers du temps… Cette année, de nombreux rendez-vous attendent Riikka Ala-Harja, romancière finlandaise installée dans le Calvados.

Riikka Ala-Harja vient de Finlande et… du monde du théâtre.  Mais elle a aussi côtoyé la radio, les Beaux-Arts. L’un de ses premiers romans, Reposer sous la mer paru en France en 2004, vient d’être adapté au cinéma. Et aujourd’hui, elle vit en France et s’apprête à publier un nouveau roman dans son pays natal tandis que Le Géant sort en France aux éditions Gaïa (lire ci-contre). A venir aussi, un très bel ouvrage au Cahiers du temps (à Cabourg) avec la complicité de la photographe finlanfaise Anne Hämäläïnen. Un point commun à tout ça ? Oui. L’envie de ne pas se laisser enfermer dans un genre et une sensibilité teintée d’humour, d’originalité qui ne ferme pas les yeux devant nos petits travers et ceux de nos sociétés. En résultent des personnages romanesques très attachants que leurs différences encombrent. Et une écriture très imaginative aux digressions audacieuses habilement rendues par les traducteurs. Comment prendre sa place ? Quoi faire de son corps, de ses pensées ? Où se poser ? Comment exister ? Cela pourrait être le leitmotiv des trois premiers romans de Riikka Ala-Harja traduits en français. Entre deux situations burlesques, Riikka Ala-Harja invente aussi des scènes très poétiques, à la forte puissance évocatrice. Lorsque Kokko (Tom Tom Tom*) répare le toit de la maison de son père qu’elle n’a pas vu depuis longtemps et resté à demi paralysé dans un hôpital, elle fait bien plus que colmater les fuites d’eau… La corde de communication qui relie Ida à son partenaire de plongée sous-marine semble figurer bien plus : le cordon ombilical qui la relie à sa mère adoptive (Reposer sous la mer). Ces personnages en quête identitaire incarnent peut-être aussi  métaphoriquement celle de leur pays où les Popovs ne sont jamais loin ! Comment une nation peut-elle s’affirmer lorsque l’ombre gigantesque du voisin assombrit le ciel ? « Je m’intéresse beaucoup  à la politique en Finlande, en Europe. Mais si je dois aborder ces questions-là, je préfère le faire au travers d’une fiction. Même si certains pensent que l’écrivain doit s’engager. Mon  prochain roman, qui devrait paraître en septembre en Finlande, se déroule aux Canaries où beaucoup de Finlandais s’installent en hiver. Des Finlandais qui ont les moyens d’avoir deux résidences. A côté, beaucoup d’Africains vivent dans des conditions très difficiles. Les cultures de tomates et de concombres sont mieux abritées que les ouvriers africains. Pour eux qui veulent arriver en Europe, c’est souvent via Les Canaries. »

l/é : Les personnages principaux de vos trois romans traduits chez Gaïa ont des points communs. Ils sont en retrait, en décalage. Leur différence les encombre : sa couleur de peau pour Ida, son immense taille pour Taneli. Qu’est-ce qui vous séduit dans ce type de personnage ?
Riikka Ala-Harja :
Tout simplement, c’est le fait que chacun peut, un jour, se sentir différent. Et c’est plus intéressant pour moi, écrivain, de parler d’un personnage en retrait, dans son coin. Parce qu’ainsi, il peut, je peux, mieux voir le reste du monde. S’il est parfaitement intégré à la société, c’est moins intéressant à traiter. La différence de Taneli est physique. Ida et Kokko, quant à elles, sont perdues dans la société. Elles n’ont pas de statut : sans emploi, sans mari, elles ne sont pas respectées. D’ailleurs, la scénariste et réalisatrice du film inspiré de Reposer sous la mer **, a estimé que dans le roman,  Ida, à 30 ans, était trop âgée. Dans le film, Ida a environ 23 ans.

l/é : Ces différences rendent aussi vos personnages extrêmement attachants. Avez-vous besoin d’aimer vos personnages pour écrire leur histoire ?
R. A.-H. :
C’est une bonne question ! C’est drôle car je viens de terminer un livre où les trois personnages principaux ne sont pas du tout aimables ! C’est vrai que Kokko, Ida et Taneli suscitent un peu la compassion.

l/é : Ces trois premiers  romans traduits en français s’apparentent à des romans d’apprentissage. Etes-vous d’accord avec cette lecture ?
R. A.-H. :
Paradoxalement, je n’aime pas ce genre littéraire. Mais c’est vrai que mes romans appartiennent en partie à ce registre. Ce que j’aime surtout c’est la langue, jouer avec elle, avec ses sonorités, le rythme de la phrase, inventer des associations ! Même mon éditeur me demande d’arrêter parfois ! Il estime que j’en fais trop !

l/é : Est-ce que votre pratique de l’écriture théâtrale influence votre écriture romanesque ?
R. A.-H. :
Oui ! Pendant huit ans, j’ai écrit des pièces pour le théâtre et la radio en Finlande. J’ai aussi été influencée, et c’est le cas de toute ma génération, par les séries télévisées, le cinéma. Petite, j’ai toujours beaucoup lu mais je n’ai pas voulu étudier la littérature à l’Université. Je crois que je trouvais cela trop sérieux. Je voulais garder le plaisir de la lecture.  J’ai préféré étudier la sociologie. Je m’intéressais beaucoup, et je m’intéresse toujours, à la politique intérieure de la Finlande et aussi à ce qui se passait dans le reste du monde. Mais je voulais écrire ! C’est pour cela que je suis entrée à l’Académie de Théâtre. On montait de nombreux spectacles, tous les mois. On travaillait avec les comédiens. A part une pièce pour la radio, je n’ai pas écrit pour le théâtre depuis sept ans. Maintenant que je vis en France, c’est plus compliqué. Car je ne veux pas seulement être un écrivain de théâtre et me contenter de donner un texte à un metteur en scène. Je veux travailler avec les comédiens, avec toute la troupe. C’est le meilleur moyen de procéder selon moi ! Cela m’est arrivé une fois de donner un texte sans travailler avec l’équipe et j’ai été déçue. Au final, je n’ai pas reconnu mon texte…  Avec le roman, il y a seulement moi, le graphiste et l’éditeur ! Je décide à 100% ! Mais j’aime autant travailler seule qu’avec d’autres personnes !

l/é : Qu’est-ce qui vous séduit dans la forme romanesque ?
R. A.-H. :
A vrai dire, je préfère la nouvelle ! Mais ce genre littéraire n’a pas de succès en Finlande. La nouvelle correspond davantage à mon écriture. Concentrée, elle demande plus d’intensité et  je peux contrôler l’histoire. Avec le roman, c’est plus difficile.

l/é : Vous êtes très polyvalente : romancière, scénariste pour la bande dessinée, auteure pour le théâtre et la radio, commissaire d’exposition… Ces différentes activités se croisent-elles ou bien sont-elles cloisonnées ?
R. A.-H. :
Pour moi, tout cela se mélange. Je crois que je n’ai pas envie non plus d’être réduite à un seul domaine. Ecrire est une activité très solitaire. Et puis faire tout cela me permet de rester dans l’air du temps ! Je travaille aussi avec l’Académie des beaux-arts. Peut-être est-ce parce que j’ai voulu être artiste autrefois ! Bon maintenant, il faut que j’oublie ce rêve !

l/é : « Suédois nous ne le sommes pas. Russes non plus. Soyons donc ces Finlandais engoncés entre deux pays. Pourquoi ce peuple ne se détermine-t-il que par deux négations ? » s’interroge le père de Taneli dans Le Géant. Vos personnages, tous en mal d’identité, peuvent-il être aussi compris comme une métaphore de la Finlande, prisonnière de son passé avec ses deux voisins géographiques ?
R. A.-H. :
Exactement oui. C’est finalement, un état assez jeune pris entre l’Ouest et l’Est. Même si nous avons rejoint l’Union européenne.  Mais c’est quoi l’identité finlandaise ?

L/é : Bonne question ! Que répondriez-vous ?
R. A.-H. :
Nous restons coincés entre la Suède et la Russie. En Finlande, apprendre le suédois est obligatoire. Mais nous avons encore peur d’apprendre le russe. A l’école, personne ne le veut. Ma génération commence seulement à s’intéresser à la Seconde guerre mondiale, à en parler. Auparavant c’était tabou. D’ailleurs c’est vraiment intéressant d’habiter ici en Basse-Normandie. Le souvenir de la guerre est très présent ici. Collectivement et dans chaque famille aussi. Comme en Finlande.

L/é : Vous vivez maintenant depuis quelques années en France. Est-ce que l’éloignement a modifié votre regard sur la Finlande et sur votre langue ?
R. A.-H. :
Mon esprit et ma tête sont toujours en Finlande ! Mais c’est ce que je suis ! Un écrivain finlandais ! J’y retourne souvent, quatre à cinq fois par an.  Et je suis en contact tous les jours avec ma famille, mes amis. Internet facilite les choses. Lorsque je suis arrivée en France, je ne parlais pas un mot de français. J’étais comme une enfant qui ne comprend pas la langue des gens autour d’elle. Presque comme une autiste. Mais c’était intéressant. Aujourd’hui, c’est différent. J’apprends le français, je veux le comprendre et le parler encore mieux, mon enfant apprend le finnois et le français simultanément. Mais le finnois reste mon amour ! Je résiste un peu aussi… Pourtant, je ne peux pas perdre ma langue, à mon âge ce n’est plus possible ! Au fond de moi, je crois que je veux préserver mon identité.

Propos recueillis par Nathalie Colleville

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