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Scholastique Mukasonga, prix Renaudot !

7 novembre 2012.

DR : C. Hélie/Gallimard

La Rwandaise Scholastique Mukasonga, qui ne figurait pas dans la sélection, a été couronnée mercredi par le prix Renaudot pour Notre-Dame du Nil (Gallimard), a annoncé le jury. Elle a obtenu six voix au dixième tour de scrutin. Le dernier numéro de livre/échange (octobre 2012) évoquait l’ouvrage en question grâce à une chronique (lire ci-dessous) de Marie-Thérèse Champesme, responsable de la villa La Brugère à Arromanches. Scholastique Mukasonga vit aujourd’hui dans le département du Calvados.

 


Aux sources du conflit rwandais

Invitée récemment à la Villa La Brugère à Arromanches, Scholastique Mukasonga y présentait son dernier ouvrage : Notre-Dame du Nil. Un nouvel opus sur le pays natal de celle qui vit désormais dans le Calvados.

« Je ne suis pas tutsi, je suis rwandaise », disait Scholastique Mukasonga lors d’une rencontre récente à Arromanches. Déclaration à première vue surprenante, qu’éclaire la lecture de son dernier ouvrage, Notre-Dame du Nil. Après Inyenzi ou les Cafards, récit autobiographique répondant à un devoir de mémoire, Scholastique Mukasonga aurait pu, dit-elle aujourd’hui, s’arrêter d’écrire. Mais elle a continué, avec La Femme aux pieds nus puis L’Iguifou, Nouvelles rwandaises où, pour la première fois dans ses livres, apparaissaient des personnages imaginaires. Elle a senti alors que l’écriture de fiction était pour elle une deuxième libération, une façon de ne plus regarder en arrière mais de construire, de passer du statut de témoin à celui d’écrivain.

Notre-Dame du Nil est un roman, même si le lycée de jeunes filles qui sert de cadre à l’intrigue ressemble à Notre-Dame-de-Cîteaux où Scholastique Mukasonga a fait ses études. Chacune des lycéennes y est un personnage au tempérament bien marqué, vivant ses petites aventures naïves ou violentes, pleines de rêves et de désillusions. Dans leurs portraits, on sent tantôt la tendresse de l’auteure, tantôt son ironie ou sa colère. Car le lycée est, bien sûr, un microcosme de la société rwandaise où le « peuple majoritaire » veut exterminer les « cafards » et où l’éducation d’une fille est un investissement que les familles entendent monnayer pour satisfaire leur ambition. Les religieuses y apparaissent comme des fantoches un peu ridicules, s’activant pour préparer la venue de Fabiola, la reine des Belges.

Mais Notre-Dame du Nil est aussi une réflexion sur la source du conflit qui a conduit au génocide, sur le mythe fabriqué par le colonisateur : celui de l’existence, au Rwanda, de deux ethnies dont l’une – les Tutsi – serait venue d’Égypte, la beauté de leurs filles témoignant encore aujourd’hui de leur noble ascendance. Le personnage de Monsieur de Fontenaille, illuminé qui fait poser les lycéennes tutsi pour peindre les déesses égyptiennes, pourrait nous faire sourire si on ne connaissait pas l’autre face de ce délire : les Tutsi jetés dans le fleuve pour qu’ils rentrent « chez eux ». Peu à peu se fait jour dans le roman cet engrenage qui conduit de la névrose individuelle à la folie collective, et les signes avant-coureurs du génocide y sont de plus en plus fréquents.

Scholastique Mukasonga rappelle que tous les Rwandais parlent la même langue et que les termes « Hutu » et « Tutsi » ne désignaient à l’origine que les cultivateurs et les éleveurs. Dans Notre-Dame du Nil, elle dénonce cette croyance en l’existence d’une différence ethnique, qui faisait d’elle une étrangère dans son pays et a créé le malheur du Rwanda. S’éloignant du récit autobiographique, elle invite à comprendre le processus qui a conduit aux massacres et à se tourner aujourd’hui vers l’avenir. Elle n’est pas tutsi, elle est rwandaise.

Marie-Thérèse Champesme

Notre-Dame du Nil, Scholastique Mukasonga (Gallimard, 2012)

 

 

 

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