Le recours aux forêts, en préambule aux Boréales
27 octobre 2010.Une création de Jean Lambert-wild, Jean-Luc Therminarias, Michel Onfray, Carolyn Carlson, François Royet.
La Comédie de Caen et le festival Les Boréales proposent une reprise exceptionnelle du Recours aux forêts. Lundi 8 novembre à 21h et mardi 9 novembre à 20h30. Comédie de Caen / Centre Dramatique National de Normandie. Théâtre d’Hérouville Saint-Clair. Renseignements et réservations au 02 31 46 27 29. Une rencontre avec Jean Lambert-wild et Michel Onfray aura lieu après le spectacle, le 8 novembre.Le Recours aux forêts de Michel Onfray est paru aux éditions Galilée.
Lire l’entretien avec Michel Onfray paru dans l/é en octobre 2009.
Télécharger la plaquette éditée par le Centre Dramatique National de Normandie.
Jean Lambert-wild et Michel Onfray ont conversé sur la question de l’utopie et de la figure du rebelle, sur le mythe nordique du Waldgänger, ce proscrit qui choisit de vivre une vie libre en se réfugiant dans les bois, celui qui a recours aux forêts. Cette tentation de Démocrite, ce mouvement de repli sur son âme dans un monde détestable, consiste à retrouver le sens de la terre, autrement dit, se réconcilier avec l’essentiel : le mouvement des astres, la logique de la course des planètes, la coïncidence avec les éléments, le rythme des saisons qui apprennent à bien mourir, l’inscription de son destin dans la nature.
La Tentation de Démocrite par Michel Onfray
« Démocrite fut dans la Grèce antique un philosophe matérialiste fêté qui parcourut le monde. Lors de son périple jusqu’en Inde, il a constaté la vilénie des hommes, à la suite de quoi il fit construire une petite cabane au fond de son jardin pour y finir en sage le restant de ses jours. Je nomme tentation de Démocrite et recours aux forêts, ce mouvement de repli sur son âme dans un monde détestable. Le monde d’avant hier, c’est celui d’aujourd’hui, ce sera aussi celui de demain : les intrigues politiques, les calamités de la guerre, les jeux de pouvoir, la stratégie cynique des puissants, l’enchaînement des trahisons, la complicité de la plupart des philosophes, les gens de Dieu qui se révèlent gens du Diable, la mécanique des passions tristes – envie, jalousie, haine, ressentiment… –, le triomphe de l’injustice, le règne de la critique médiocre, la domination des renégats, le sang, les crimes, le meurtre… Le repli sur son âme consiste à retrouver le sens de la terre, autrement dit se réconcilier avec l’essentiel : le mouvement des astres, la logique de la course des planètes, la coïncidence avec les éléments, le rythme des saisons qui apprennent à bien mourir, l’inscription de son destin dans la nécessité de la nature. Fatigué des misères de ce temps qui sont les ancestrales souffrances du monde, il faut planter un chêne, le regarder pousser, débiter ses planches, les voir sécher et s’en faire un cercueil dans lequel on ira prendre sa place dans la terre, c’est-à-dire dans le cosmos. »
L’Agreste par Jean Lambert-wild
J’irai, teinté de bleu, imiter le sanglier dans la Forêt.
J’irai, grognant de joie, curer ma peau au regros des chênes.
Mes mains en bec d’oiseau chanteront les gloires de tous mes pas perdus
où s’escopaient mes rêves étourdis au roulis d’un berceau.
Élevé au mariage de la mort, tore marquant la place de mes ancêtres, je tiendrai haut
ma tête pour irriter les rochers, baguant ma peur de ne pas pouvoir leur ressembler.
L’exil me rendra le bryon de mes yeux, une pupille en île qui se soulage du temps en tournant sur elle-même.
Mes rires seront les tombelles de mes nuits.
Ample à nouveau, mon souffle retrouvera l’usage de ses langues : langue du sein,
langue du sang, langue des songes. Trois sœurs étrangères en conversation qui fixeront
les frontières du corps de mon exil.
J’irai dans la Forêt, car est dérisoire une vie qui tourne le dos aux portes et aux miroirs.
J’irai dans la Forêt, car est dérisoire une vie rendue meurtrière par l’aporie d’un monde qui maudit la vie.
J’irai dans la Forêt, vivre sans fin, ces aurores qui sont toujours des prouesses.
Rebelle par Carolyn Carlson
Un Rebelle né ne meurt jamais.
Âme désireuse au sein d’un esprit barré d’aucune cloison
Qui mesure son propre mouvement à l’aune d’horizons lointains
Sa liberté, celle qu’il s’accorde.
Il marque son empreinte sur les vapeurs éthérées de l’Univers
Cocon de poussière et de lumière sylvestre.
Il se précipite dans les zones d’ombre de poètes inconnus
Plonge au cœur de leur mystère
Dérangeantes visions qui éloignent la pureté originelle de l’homme
Cette existence sous condition
Qui finit par s’éloigner d’elle-même
Et darder sur le rebelle qui à son réveil
Aux côtés de loups, champignons et fleur noire
De bois qui reflètent cet aveu,
Défie ses yeux de fixer les lèvres babiles des rivières tumultueuses de la forêt
Pénètre la chair de la nature, choit dans ses bras d’art libre
Souffle vers le ciel, agrippe le buste des arbres dont la verdure est en suspens dans
des nuages volatiles de fumée, sans but aucun sinon de les atteindre.
Il revient au ventre ensanglanté de la terre, entrailles aux parfums humides
Jetant son esprit dans cet abîme de lumière
Fait du feu, baise la terre du premier homme
Pénètre le chaos de la souffrance primitive
Souffle vers le ciel, agrippe le buste des arbres dont la verdure est en suspens dans
des nuages volatiles de fumée
Pénètre le chaos de la souffrance primitive […]